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Mal écrire, bien écrire, mal enseigner, bien enseigner, mal apprendre ou bien apprendre? Telle est la question.

Ok, je me lance. Je préfère les sujets obscurs sur des évènements peu connus. Ça me laisse plus de latitude pour choisir mon angle.

Aujourd’hui, j’entre dans la tanière du dragon, bien que je sache que c’est là un dragon qui ne dorme pas. Aussi, pour bien comprendre le texte, notons que le TECFEE est le « Test de certification en français écrit pour l’enseignement », dont la réussite est obligatoire pour l’obtention du brevet permettant d’enseigner au primaire et au secondaire au Québec.

(D’ailleurs, cela me permettra de répondre par le fait même à Richard Martineau, qui est revenu sur ce sujet cette semaine dans son carnet sur canoe.ca.)

Donc, La Presse publiait récemment (le 20 août 2011) un article sur le TECFEE intitulé: « Enseignant: nouvelle chance pour les cancres en français » (lien ici). Évidemment, il n’est pas rare que l’on parle de la qualité de la langue des futurs enseignants, ni du TECFEE d’ailleurs, en fait, on dirait presque ce sujet revient à chaque début et fin d’année scolaire. Cette nouvelle fournée a donné la chance aux journaux de montrer leur maitrise de la langue française.

En effet, plusieurs journaux du groupe Gesca ont repris cette nouvelle de Pascale Breton (officiellement attachée à la Presse), mais en modifiant le titre…

Enseignant: nouvelle chance pour les cancres en français (La Presse)

Les futurs enseignants auront la vie plus facile (Le Droit)

Les étudiants ne seront plus limités à quatre tentatives (La Tribune)

Section A – Où l’on relate l’histoire ici mentionnée.

Pascale Breton présente une récente décision de la CRÉPUQ qui modifie le nombre de tentatives maximal qu’un étudiant dans un programme de formation des maîtres peut tenter.

Les étudiants ne seront plus limités à quatre tentatives, comme c’était le cas auparavant. En cas d’échecs répétés, ils ne risqueront plus la suspension ni l’expulsion de leur programme.

«Il faut comprendre que ce n’est pas un bar ouvert. (…) L’étudiant qui n’aurait pas réussi au cours de la quatrième passation se verra imposer des mesures compensatoires. Il n’est autorisé à se présenter à une cinquième passation que sur autorisation de sa direction de programme», explique Bernard Garnier, président du comité des affaires académiques à la CREPUQ et vice-recteur aux études et aux affaires internationales de l’Université Laval.

Ainsi, cela n’enlève pas l’obligation de réussir le TECFEE, mais modifie le nombre d’essais auquel un étudiant a droit et ajoute un accompagnement supplémentaire pour les étudiants échouant à répétition.

Section B – Où l’on pose la question: « La vision des journalistes de l’écrit est-elle biaisée? »

Oui et non.

Non, parce que l’importance du français écrit dans l’enseignement est grande et qu’il existe au Québec une sensibilité sur ce sujet qui justifie que l’on en parle.

Oui, parce que les journalistes de l’écrit vivent du français écrit et sont donc dans une bulle du bien écrire et vivent déconnectés (sur cet aspect du moins) du reste de la population. Avec un nombre d’analphabètes autour de 800 000 au Québec, on peut imaginer que le niveau habituel de français écrit dans la population est bien différent de celui dans les salles de rédactions des journaux.

Section C – Où l’on parle de l’enseignant idéal.

D’ailleurs, je prends le temps de le mentionner: J’aimerais que tous les enseignants aient un français de haut niveau, utilisent le subjonctif imparfait dans leurs subordonnées quand la proposition principale est au passé et transmettent leur amour de la langue à tous les élèves.

Cependant, j’aimerais aussi que tous les enseignants aient une vision du monde basée sur la science et l’empirisme, j’aimerais bien que tous les enseignants aient une connaissance de la politique et de l’histoire ancienne et contemporaine, québécoise et internationale, leur donnant des appuis solides lorsqu’ils abordent ces points (lors d’interaction avec les élèves, par exemple). J’aimerais que les enseignants soient des utilisateurs avancés d’outils informatiques, leur permettant d’utiliser ces plates-formes au profit de leurs enseignements. Et finalement, je trouve qu’il est primordial que les enseignants aient une base suffisante en mathématique pour pouvoir les utiliser et comprendre les significations des chiffres et des statistiques (souvent utilisés par les médias) et des moyennes (souvent utilisées pour calculer des notes). Je pense que les mathématiques sont le nouveau latin, elles permettent d’accéder à la logique et structurent l’esprit.

J’aimerais aussi qu’ils parlent avec un niveau de langages approprié à l’école et qu’ils montrent une passion pour leur discipline (que ce soit les sciences humaines ou sociales, l’éducation physique, le français ou tout autre), car bien que je crois que les connaissances ne soient pas transmissibles, la passion est, elle, communicative.

J’en demande beaucoup. Je pourrais dire que personnellement, je suis habile dans presque tous ces domaines, avec des niveaux suffisants (mais variés) et donc m’attendre à ce que les enseignants soient à ce même niveau.

Mais étonnamment, je suis prêt à être flexible sur certains de mes critères, si l’enseignant des mathématiques aiment les mathématiques, parlent des mathématiques de façon intéressante et détient les outils nécessaires à ce que les élèves progressent en mathématiques, cela est finalement ce qui m’importe le plus. Que se passerait-il si ce même enseignant avait un français écrit plus faible, mais démontrait un niveau impressionnant dans l’enseignement des mathématiques? Et bien, je préférerais cela à un enseignant de mathématiques qui n’a que peu d’intérêt pour son sujet, mais qui écrit le français sans faute.

En regardant tous les critères que j’ai énumérés, non seulement ils sont nombreux pour un seul individu, mais je crois en plus que certains sont mutuellement exclusifs.

D’ailleurs, posons la question la plus concrète que l’on puisse poser: Préférè-je un enseignant (de toute discipline, sauf de français évidemment) au français écrit moyen, mais intéressé par sa matière, que pas d’enseignant du tout?

En effet, reprenons le titre présenté plus tôt de l’article du Droit présumant que la vie des futurs enseignants est facile. Cela est très étrange dans un contexte où les nouveaux enseignants quittent la profession à une vitesse impressionnante.

À preuve, le décrochage des profs est presque aussi important que celui des élèves (31 %). Plus d’un quart des nouveaux enseignants quittent la profession dans les cinq premières années, rappelle Pierre Saint-Germain, président de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE). «La tâche est devenue intenable. C’est un cri qu’on entend presque partout. Alors, les gens vont travailler ailleurs», dit Réjean Parent, président de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ). (Le Devoir, 25 avril 2009)

Ce ne doit pas être si facile. Se pourrait-il que les caractéristiques nécessaires pour être admis et réussir la formation obligatoire (incluant le TECFEE) ne soient pas exactement celles nécessaires une fois sur le marché du travail. D’ailleurs, je ne suis pas le créateur de cette question, bien d’autres l’ont posé avant moi.

Laveault (2007) montre bien que présentement, il n’existe pas de consensus clair sur ce que l’on attend des futurs enseignants. Cette absence de lignes directrices revient donc à demander aux enseignants d’être performants à tous les niveaux, et ce, sans que l’on puisse déterminer les aspects primordiaux et les aspects secondaires de leur formation.

Et lorsque l’on laisse les journalistes de l’écrit déterminer les aspects les plus importants de cette formation, ils choisissent de privilégier le français écrit, au détriment d’éléments comme la connaissance du champ d’enseignement, de la pédagogie ou même, de l’intérêt occuper le métier d’enseignant.

Section D – Où je trouve que l’on ne pose pas la bonne question.

La grande différence entre le niveau en français (et ce, autant qu’à l’écrit, qu’en lecture et qu’à l’oral) vis-à-vis des les autres sphères de la vie, c’est que l’école ne réussit pas à compenser pour les différences initiales entre les élèves à l’entrée au primaire. Ainsi, un élève qui arrive déjà avec une connaissance des livres et un intérêt pour ceux-ci possède un avantage majeur sur d’autres élèves qui partent de zéro. Le milieu familial a donc là un rôle que l’école n’arrive à occuper.

Cela peut même se répercuter jusqu’à l’université, ou malgré des années et des années de français obligatoires, certains lisent et écrivent avec plus de difficultés que d’autres, et ce, avec un parcours scolaire identique.

Suis-je le seul à penser que ces individus possèdent peut-être une vision de l’enseignement qui diffère un peu de leurs collègues et que leurs apports pourraient bénéficier aux élèves qui pourraient voir en eux un modèle de réussite scolaire, malgré une difficulté initiale?

N’hésitez pas à commenter et bonne rentrée 2011-2012 à tous.

Florilèges d’articles sur le TECFÉÉ

2009

Tests de français: hécatombe en vue chez les futurs profs

2010

Test de français: de futurs profs «trichent» sur Internet

Un examen de français qui fait suer les futurs profs

Examen de français: sanctions allégées pour les futurs profs qui échouent

D’échecs en échecs pour les futurs profs

2011

Examen de français pour les futurs profs: le droit à l’échec illimité à l’étude

«Tricherie» sur Internet: la pertinence du test de français mise en doute

Autres liens

TECFEE: Groupe d’entraide du TECFEE

Références

Laveault, D. (2007) Quelles compétences, quelles types de validité pour l’évaluation? In Bélair, L. Les Compétences professionnelles en enseignement et leur évaluation. Ottawa: Les Presses de l’Universite d’Ottawa.