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La complexe question du plagiat au baccalauréat.

Il n’y a plus de doutes à avoir, les étudiants universitaires plagient et, clairement, ce n’est pas une situation dont il faut se réjouir.

Le cas qui nous occupe aujourd’hui…

Cependant, toute analyse qui mènerait à conclure que les étudiants sont foncièrement malhonnêtes et que les enseignants devraient sévir plus durement est manifestement un peu facile, comme nous le rappelle le cas récent paru aux États-Unis.

Article original (tiré de l’Inside Higher Ed)

L’histoire a connu une certaine notoriété lorsque monsieur Panagiotis G. Ipeirotis, a computer scientist, a publié un article sur son carnet électronique relatant ses mésaventures récentes sur les questions de plagiat dans les travaux de ses étudiants de la Stern School of Business, institution où il enseigne l’informatique. Dans son billet, il relate des évènements arrivés lors de la dernière année, suite à l’utilisation du logiciel de détection de plagiat Turn it In. En effet, monsieur Ipeirotis a utilisé ce logiciel pour détecter les emprunts dans les travaux de ses étudiants. Les résultats montrèrent plusieurs cas de plagiat « démontré » et aussi des cas possibles de plagiat.

Afin de laisser une chance aux étudiants, il a demandé aux étudiants coupables de s’identifier, avant qu’il ne contacte les autorités responsables du plagiat. Suite à cette démarche, plusieurs individus se sont identifiés, certains dans la catégorie des cas possibles. À la fin du processus, sur 100 étudiants inscrits, 20 ont admis avoir plagié dans le travail en question. Cependant, ce n’est pas cette partie de l’histoire qui est intéressante, mais bien la suite. En effet, cette expérience a laissé amer monsieur Ipeirotis.

Voici, tiré de l’article d’Inside Higher Ed, ce qui me semble le plus questionnant de cette histoire.

So why does Ipeirotis consider the experience a failure? His students became antagonistic, he wrote on the blog post, and gave him lower teaching evaluations than he had ever received before. And those poor teaching evaluations were cited in a review that resulted in the smallest raise he had ever received.

Ainsi, pour ce professeur, le jeu n’en vaut pas la chandelle, puisque l’effet de la traque se répercute sur l’atmosphère de la classe et la relation avec les étudiants (tricheurs ou non d’ailleurs). Je crois que ce choix est assez fréquent, la seule différence ici, est le fait qu’il ait publié son aventure sur Internet.

Cela nous permet de rappeler que le problème avec le plagiat est l’aspect émotif de cette question. En effet, accuser un étudiant de plagiat (avec raison ou non) est un geste très personnel, très direct et qui a un effet sur l’étudiant (ou les étudiants) mis en cause. Il y a quelques années, la Presse soulignait le problème de la négociation entre professeurs et étudiants accusés de plagiat à l’Université Laval, et ce, malgré la clarté des règlements institutionnels. Ces négociations menaient à des diminutions des sanctions données aux étudiants. Cet état de fait (qui existe encore selon moi dans la plupart des universités), s’explique seulement surtout si on considère le plagiat comme un phénomène émotif.

 

En effet, le fait de faciliter la détection du plagiat, par des moyens informatiques ou autres, ne change pas le problème fondamental, il existe une distance importante entre le délit commun et la sévérité des sanctions, surtout en sachant que le taux de plagiat atteint (selon les études) les 57% des étudiants ayant complété un baccalauréat. Il serait tout de même surprenant de faire échouer autant de personnes dans un cours ou même dans un travail.

Dans le cas présenté ici (celui de monsieur Ipeirotis), les conséquences pour les étudiants sont dramatiques. En effet, informé des noms des tricheurs, l’administration a agit et a identifié au fer rouge les étudiants coupables. Monsieur Ipeirotis, dans un article publié après les évènements soulignait que…

This prevents them from effectively getting into a law school, or being hired by an investment bank. My evaluations did not go down because cheating students evaluated me. The problem is not that the administration denied to prosecute the students that cheated.

D’ailleurs, Maclean’s (d’où est tiré la statistique présentée plus haut) a réagi à l’histoire de monsieur Ipeirotis en demandant aux professeurs de continuer la guerre à la triche, même si elle demande des efforts.

Et alors?

La question principale est de savoir si l’utilisation du plagiat par les étudiants comme moyen de réussir les travaux ne fait maintenant pas partie du coffre à outils habituel. Sachant que la plupart des définitions du plagiat dans les règlements universitaires incluent le fait de prendre le texte directement, mais aussi d’utiliser les idées d’autres (et ce, même si on réécrit les phrases). Par exemple, l’Université de Sherbrooke définit le plagiat comme suit (Règlement des études, article 8)…

le plagiat, soit le fait, dans une activité évaluée, de faire passer indûment pour siens des passages ou des idées tirés de l’œuvre d’autrui;

C’est donc un travail de titan pour l’enseignant qui veut débusquer tout les tricheurs, et non pas juste ceux qui le font grossièrement. Cela se complique aussi par le fait qu’au Québec, il arrive fréquemment que les étudiants traduisent des textes anglais pris dans des livres ou sur Internet, ce qui rend la détection plus compliquée et ardue. Déjà que le temps consacré à l’évaluation des apprentissages n’est pas énorme, si en plus les professeurs doivent en consacrer une part importante à la détection du plagiat, il serait surprenant que cela se fasse sur d’autres temps que celui consacré à l’enseignement, non?

Finalement, est-ce que ce phénomène est le signe d’une jeunesse malhonnête et peu travaillante? Je crois qu’il faut être très prudent avant de faire ce saut, saut que Maclean’s lui semble faire assez rapidement.