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Quand on est deux, ça va deux fois mieux…

En cherchant sur un autre sujet, je suis tombé sur une histoire intéressante, bien que ce ne soit pas le sujet principal qui m’ait fasciné.

Ce dont il s’agit…

L’histoire remonte à 2009, elle a été publiée dans divers médias britanniques à l’époque. Une professeure (Annmarie Surprenant) de l’Université de Manchester, ayant déjà fait parler d’elle il y a plusieurs années (1994) dans une histoire de falsification de curriculum vitae, a dû démissionner après que son respect des règles sur la correction de travaux ait été mis en doute.

Voici un extrait du texte cité plus haut:

She was found guilty of gross misconduct by a disciplinary panel which heard claims that she failed to read and mark adequately about 80 undergraduate life science final exam papers.

Instead of passing the essays on to a second marker to check her assessments, she was accused of making it appear that she had done so by forging colleagues’ signatures.

Selon le même article, elle aurait pris moins de 48 heures pour compléter un processus qui habituellement prend plusieurs jours. Pour plus de détails sur cette histoire, n’hésitez pas à lire cet article (déjà cité) ou cet autre. Pour ma part, je m’attarderai sur un aspect précis, soit l’idée qu’il existe des politiques de correction qui demandent que plusieurs correcteurs vérifient la correction. Avant, je crois important de souligner qu’il existe des gens pour questionner la véracité des faits allégués en 2009. Voici un extrait d’une lettre de 2010 d’ex-collègues de la professeure Surprenant évoquant les évènements de 2009:

Her resignation drew media attention, some of it inaccurate. The university confirms that the marking of undergraduate examination papers by Professor Annmarie Surprenant herself has never been deemed unsatisfactory: however, she admitted to serious irregularities with respect to second marking of some papers.

« The university further observes that Professor Annmarie Surprenant enjoys a position of eminence in the international research community and that her research contributions to the institution were correspondingly strong. »

Et alors?

En effet, quel intérêt a une histoire vieille de 2 ans, se passant à 6000 km d’ici, et surtout si cette histoire est surtout une bulle créée par les journaux? Et bien, j’ai accroché sur l’idée que les travaux corrigés par un professeur doivent être revu par un autre professeur qui signe afin de confirmer son accord avec la correction faite. D’ailleurs, les différents textes trouvés ne s’entendent pas sur le niveau d’implication de ce second « juge ». Certains disent qu’il s’agit d’une seconde correction, alors que d’autres semblent surtout pencher pour une vérification de la correction effectuée par le professeur responsable. Je le souligne, mais ce n’est pas l’essentiel.

Il est intéressant de noter que cette idée d’avoir deux correcteurs ne date pas d’hier. En effet, en 2200 avant notre ère, les empereurs chinois testaient leurs bureaucrates les plus importants en les soumettant à des épreuves écrites. Selon le niveau de l’employé (régional, provincial, impérial), chaque fonctionnaire devait écrire un texte long en réponse à une question. À partir de l’an 1000, au niveau provincial, le texte remis par les candidats était copié deux fois par un scribe et chacune des deux copies était soumise à un évaluateur indépendant et les résultats combinés par un troisième évaluateur. (Popham, 2000, p.14). L’ouvrage China’s Examination Hell traite d’ailleurs de cette première expérience de testing à grande échelle qui dura près de 3000 ans.

De façon plus contemporaine, que ce soit statistiquement ou même qualitativement, il est généralement admis que le fait d’ajouter un juge (ou même plusieurs) lors de la correction est une façon d’améliorer la qualité des données recueillies sur les étudiants. Cela ne nous empêche pas de devoir assurer de la qualité des juges, mais c’est probablement la plus simple (bien que souvent la plus onéreuse) des façons d’améliorer la correction.

Le fait d’ajouter un juge, et cela est d’autant plus vrai lorsque l’on utilise des outils cherchant à mesurer des capacités complexes (comme des compétences), permet aussi d’augmenter la valeur du jugement porté. Deux experts qui regardent un futur professionnel réagir à une situation présentée permettront de donner à ce futur diplômé un regard plus large et plus éclairé sur ses qualités « professionnelles ». D’ailleurs, ce n’est pas un secret pour personne, c’est la principale raison pour laquelle les étudiants à la maîtrise et au doctorat font face à un jury plutôt à qu’à un seul évaluateur, afin de s’assurer d’un certain consensus autour de la valeur du travail d’un étudiant, surtout que ce travail est unique et chaque étudiant de maîtrise ou de doctorat poursuit un objectif différent avec un parcours unique.

Ici, cependant, cette façon de faire touche le premier cycle universitaire (undergraduate). Le fait que certaines universités obligent cette vérification à ce niveau était une « révélation » pour moi. Il existe, selon mes connaissances, certains cas où le regard de collègues sur notre correction est demandé dans les universités québécoises, mais ils sont rarissimes. Par exemple, lors d’une demande officielle de révision de notes, il est possible que les copies corrigées soient vérifiées; aussi, lorsque la correction a été effectuée par un auxiliaire d’enseignement, il est souhaitable que le professeur responsable du cours vérifie la correction, mais habituellement seules les notes allant au bulletin sont examinées par les départements, et non pas le processus par lequel elles ont été obtenues. Finalement, il est permis, si le professeur décide de le faire volontairement, de faire vérifier sa correction par une tierce personne. Cela n’est pas honni, mais ce n’est pas prescrit non plus.

Il est difficile pour moi de parler en absolu, puisque je ne connais pas toutes les politiques de corrections de toutes les facultés, mais il est clair que ce n’est pas au Québec la norme. Dans l’étude de Blais (1997) sur les pratiques d’évaluation des apprentissages à l’Université de Montréal, la correction est cependant présentée comme un geste éminemment solitaire et celle-ci est rarement discutée avec les collègues. Cela est d’ailleurs en accord avec mes expériences dans divers programmes et diverses facultés.

Si vous avez des informations ou des exemples de politiques touchant la correction, je suis toujours intéressé. N’hésitez pas à m’écrire ou à commenter.

 

Références (dans l’ordre d’utilisation dans le texte)

Popham, W. J. (2000). Modern educational measurement :a practitioner’s perspective (3e édition). University of California: Allyn and Bacon.

Miyazaki, I. (1976). China’s Examination Hell : the Civil Service Examinations of Imperial China.

Blais, J.-G., Faculté des Sciences de l’éducation de l’université de Montréal, & Groupe de Recherche Interdisciplinaire en pédagogie universitaire. (1997). L’évaluation des apprentissages à l’Université de Montréal et dans ses écoles affiliées : une enquête sur les pratiques et les perceptions selon des professeurs et des étudiants : rapport de recherche (p. 168). Montréal: Université de Montréal.