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Réponse à Denis Laflamme

Cet article a été publié pour la première fois en septembre 2009 sur Popquizz.ca

Monsieur Laflamme,

Avant de débuter, je vous signale que je ne suis affilié à aucun groupe et que mon intérêt pour la CRC date de 1996, alors que je diplômais du cégep. Cependant, je suis un étudiant au doctorat en mesures et évaluation et c’est donc un sujet qui me touche.

J’ai lu avec attention votre lettre parue sur Cyberpresse. Je commencerais en vous signalant que je ne connais pas les détails de votre affaire devant les tribunaux, mais je suis assez au fait de la façon dont on calcule la CRC (cote de rendement collégial) et de son utilisation pour l’admission dans les programmes universitaires. Il est très difficile de bien comprendre la CRC sans s’y arrêter quelques minutes pour bien saisir comment le Québec en est arrivé à ce système plutôt unique d’admission. En effet, les autres systèmes scolaires utilisent, la plupart du temps, des tests d’admission (comme le SAT aux États-Unis) pour déterminer les candidats choisis dans les programmes à capacité limitée. Selon les pays, ces examens sont soit communs ou spécifiques à certaines écoles.

Un des principaux problèmes de ces systèmes est que ces examens sont souvent faits dans des périodes courtes et laissent donc jouer des variations de performances chez les étudiantes et les étudiants. La Québec a déjà utilisé ce type de système, mais depuis plus de 20 ans maintenant, les universités ont préféré analyser les dossiers scolaires du cégep des candidates et des candidats.

Pour aider la discussion, voici la formule de la CRC: CRC_Totale = Somme(CRC_Cours x Poids_Cours)/ Somme(Poids_Cours)

Ainsi, la CRC totale d’un étudiant est composée de la moyenne pondérée de ses CRC de l’ensemble de ses cours du collégial. Ainsi, pour chaque cours on calculera une CRC_Cours dont la formule est donc la suivante…

CRC_cours = (Score Z + IFG + 5) x 5

En regardant de plus près cette formule, on voit qu’elle est composée de deux parties: le Score Z qui est un indice statistique permettant de placer un étudiant par rapport à son groupe (le groupe étant l’ensemble des étudiants du cours dont on est en train de calculer le score Z). Le score Z va de -3 à +3.

La seconde partie est l’IFG (Indice de Force de Groupe) qui est souvent mal comprise et qui consiste en un indice qui permet de déterminer si le groupe est fort ou non. L’idée étant qu’un étudiant fort (score Z) dans un groupe fort devrait être récompensé et donc l’IFG sera plus grand. L’IFG est le même pour tous les étudiants du groupe_cours, bien que l’apport de chaque étudiant devrait être enlevé, l’effet est minimal sur 30 étudiants. Cet indice se calcule en prenant les notes au secondaire des étudiants qui sont maintenant rendus au cégep dans le groupe_cours de l’étudiant pour lequel on calcule la CRC. Ainsi, l’IFG cherche à représenter la force du groupe en s’appuyant sur le fait que la majorité des étudiants qui était forte au secondaire le reste au collégial.

L’IFG va de 0 à +2. (Vous voyez donc que si un étudiant faible est dans un groupe faible, il aura une CRC de ((-3 + 0) +5)x5 ce qui donne 10. Au contraire, un élève exceptionnel dans un groupe exceptionnel aura(théoriquement) le maximum, soit ((+3 + 2)+5)x5 ce qui donne 50.) Ajoutons que si l’étudiant est moyen dans un groupe faible, il aurait donc (théoriquement) ((0+0)+5)x5 soit 25. Notons que seuls quelques programmes universitaires demandent une CRC supérieure à cela pour être admis. (Moins de 10 programmes de baccalauréat à l’Université de Sherbrooke)

La mécanique de la CRC est donc de placer l’étudiant dans le groupe (score Z) et ensuite le groupe parmi les autres groupes. En regardant le fonctionnement réel de la CRC, le score Z s’oppose donc à l’IFG (et vice-versa). Comment cela? Et bien un étudiant fort dans un groupe fort aura de la difficulté à obtenir une note supérieure à la moyenne. Il aura donc un score Z plus faible, mais son groupe étant fort, son IFG sera plus élevé.

A contrario, un étudiant fort dans un groupe faible (du moins composé d’étudiants qui étaient faibles au secondaire) aura une note élevée par rapport à la moyenne, mais son IFG sera faible. Ainsi, contrairement au score Z utilisé dans les années 90, il est difficile de trouver une façon de « tricher » le système en choisissant un cégep ou un autre ou en choisissant un programme ou un autre. Il n’existe pas, selon mes connaissances, de recherches publiques (probablement que la CREPUQ fait des simulations) qui ont montré si l’effet de l’IFG

Dans votre lettre, vous soulignez cinq faiblesses de la CRC. Laissez-moi les reprendre une par une.

1 et 2) Manque de vérification des données transmises

En effet, cela est préoccupant et cela touche un des points sensibles de la CRC, c’est-à-dire, l’incapacité pour un étudiant de calculer sa propre CRC. En effet, les données nécessaires ne sont pas accessibles à chaque candidat et cela est d’autant plus vrai pour le calcul de l’IFG, qui requiert l’accès aux notes du secondaire de tous les étudiants dans le même groupe cours. Il est d’ailleurs intéressant de voir que lors de la proposition de 1996, le calcul de la CRC était plus complexe. En effet, le calcul de l’IFG n’était pas le même selon la force du groupe et son effet était donc plus grand pour les groupes forts et plus faibles pour les groupes faibles. Je ne connais pas la raison de l’abandon de cette proposition, mais entre 1996 et 2009, la CRC ne se servit pas de cette façon de faire, mais l’IFG était constant pour tous les groupes.

3) La règle du 100%

Cela montre que pour les créateurs de la CRC, le problème est toujours dans les extrêmes. Tout indice statistique possède des limites et cela est aussi vrai de la CRC. Cela est vrai dans les groupes très forts (double DEC par exemple), les petits groupes, les notes inférieures à 30% et de 100%. Cependant, cela touche un nombre très très faible d’étudiantes et d’étudiants du collégial. D’ailleurs pour certains de ces cas, des correctifs ont été déterminés, alors que pour d’autres on ne fait que faire le calcul traditionnel.

4 et 5) La disparité des clientèles et déjouer la CRC

En fait, c’est ici que votre argumentaire s’effondre (et ce, même si l’on corrige l’erreur que vous écrivez, puisque comme je l’ai montré plus haut, l’IFG est additionné au score Z et non pas multiplié). La CRC a été créée justement pour tenir compte de la disparité des clientèles des différents collèges en les plaçant sur une base de comparaison commune, soit les examens du Ministère que les étudiants font en secondaire IV et V. Ces examens sont communs pour tous les étudiants d’une cohorte et servent donc à calculer l’IFG qui corrige le score Z comme j’ai essayé de l’expliquer tout à l’heure. Contrairement à la cote Z qui a précédé la CRC comme outil d’admission universitaire, il n’existe pas de truc éprouvé pour améliorer sa CRC (sauf évidemment avoir de bonnes conditions pour étudier, ne pas travailler plus de quelques heures et se consacrez à ses études).En effet, être dans un collège où les étudiants sont sélectionnés permet d’augmenter son IFG, mais il devient plus difficile d’avoir un bon score Z.

Cela me permet de terminer en disant qu’il y a aujourd’hui peu de gens qui comprennent réellement la CRC… et que manifestement vous n’êtes pas du compte. En contrepartie, il est étrange qu’un système aussi important pour la sélection des candidats universitaires soit si peu étudié et questionné. Votre démarche est donc tout à votre honneur.

Le vrai problème… par quoi peut-on remplacer la CRC?

La CRC est donc un outil intéressant, commun et innovant pour l’analyse des dossiers des candidats universitaires. Il semble surtout être un meilleur système que les autres disponibles, soit les examens d’entrée par programme ou par université (imaginez que les étudiants de Sept-Îles doivent se rendre à Québec pour faire leur test d’admission), une séance d’examens communs (comme le bac français) ou l’analyse brute des dossiers des étudiants (sans la CRC). L’avantage de la CRC est d’être le cumul d’un très grand nombre de cours (au moins 20) et donc permet à un candidat de se rattraper (surtout avec les nouvelles modalités). Je sais d’ailleurs que pour les cas limites (soit une CRC très près de celle souhaitée), les universités choisissent les candidats en regardant plus à fond le dossier. Par exemple, un étudiant postulant en physique et dont les notes en éducation physique sont basses sera privilégié pour son admission en physique (par rapport au candidat présentant un dossier inverse). Il est important de rappeler que les CRC permettent de trier les candidats, mais que l’on remplit toujours les contingents d’étudiants, et que le concept de CRC minimale est tordu puisque celle-ci est seulement la CRC du dernier admis l’année précédente et non pas un critère fixe d’admission.

C’est un sujet très intéressant. J’écrirai un bref historique des méthodes d’admissions universitaires au Québec dans un futur proche. Je pense que cela serait pertinent. J’ai d’ailleurs laissé de côté dans le présent texte les nouveautés depuis l’admission de 2009, puisque la CREPUQ a revu différents éléments de la CRC.

Pour les gens que cela pourrait intéresser, voici des documents sur la CRC…

Texte récent de Luc Larochelle sur la CRC

Lettre de 1996 sur la CRC

La section du site de la CREPUQ sur la CRC